Les cinq sens sont un moyen d'appréhension d'une réalité cachée, d'une mémoire cosmique, galactique, universelle. Un moyen d'approche du vivant. Manger sa nourriture, par exemple, non pas d'une façon mécanique, mais avec une reconnaissance du mystère du goût, des saveurs... Un jour, j'étais avec un Indien au bord d'une rivière. Il mangeait un épi de maïs bouilli. Il m'en avait donné un aussi. D'un coup, il s'est mis à rire la bouche pleine, je voyais sa bouche remplie de jus blanc et il m'a dit : "Tu sens le lait de la Mère ?" J'étais sidéré. Pour moi, jusque-là, "la mère", c'était ma mère, et là, soudain - ce n'était pas mental - mes cellules saisissaient qu'il parlait de la Mère Terre. Nous étions en train d'extraire de ce maïs le lait de la Mère Terre ! Une mère aux mamelles énormes ! "Goûte, goûte, le lait de la Mère ! me disait-il. Il est temps que tu saches qu'Il est partout, Lui !"
Vous voyez, c'est une alchimie qui se pratique à tout moment dans la vie ordinaire. Cet homme mangeait pour nourrir son corps, il mangeait pour le plaisir et, en même temps, il commémorait.
C'est-à-dire que l'occidental qui cherche Dieu se trompe de direction. Il ne faut pas le chercher au ciel, il faut le chercher sur la terre !
Voilà ! Cet Indien m'apprenait à accueillir l'autre côté... le lait de la Mère ! Non pas manger en me disant "je suis en train d'extraire le lait du maïs" mais, en mangeant, me placer dans l'état de captation amoureuse. L'amour ce n'est pas un mot - "je t'aime", "tu m'aimes" - c'est une énergie qui vous donne la possibilité d'entrer en contact avec la magie, avec le mystère de la vie. Non pas pour le résoudre mais pour le goûter. On ne peut pas résoudre le mystère mais on peut le goûter, le sentir, on peut le toucher. Il permet tout cela, le mystère. Il permet la caresse. Comme un chat, il se laisse caresser le pelage. Le mystère adore être caressé. (H. Gougaud)
C'est sans doute la seule remarque proprement indienne du livre. Un théologien note judicieusement : " Beaucoup parlent comme si Dieu n'était qu'au-delà du visible et du palpable. Toutefois, c'est le concret qui a la primauté. Le peuple andin a des intuitions précises concernant la divinité : elle est terrestre et corporelle ” ('Deidad en la tierra, fe y teología desde la corporeidad', Diego Irarrázaval in Teología Andina, el tejido diverso de la fe indígena , tome 2, p.154)
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