Voyez, dit-il. Et il se mit à parler en paraboles :
Le Royaume Inconnu est semblable à un chercheur d'or arpentant la montagne. Soudain, il découvre l'entrée d'une caverne. Son sixième sens lui dit qu'à l'intérieur il y a de l'or. Mais, pour sa peine et son malheur, l'entrée de la caverne est obscure et noire, suggérant une menace inconnue. Il n'est habitué qu'aux zones éclairées de la raison ; il cultive la conscience d'être, la sensation d'être. C'est bien pour ça d'ailleurs qu'il marche dans la montagne. Mais une fois devant la grotte et venant de la lumière, il est incapable d'y voir quoique ce soit. Sa peur l'empêche d'entrer de front dans la caverne et comble d'infortune, n'ayant pas prévu cette découverte d'une grotte dans la montagne, il n'apporte avec lui aucune lanterne. “Que faire ?” se demande-t-il. Cette ouverture sombre s'ouvre complètement, chargée de présages mauvais pour lui. Il se retrouve face à elle, démuni et incapable de voir à l'intérieur, là où la lumière du soleil extérieur n'entre pas.
Réfléchissant en lui-même, le chercheur d'or se dit : ”Comment vais-je faire pour entrer dans la caverne et voir ? Si je continue à avancer ainsi, je ne verrai rien. L'obscurité m'enveloppera, puisque j'aurai toujours la lumière dans le dos et qu'elle projettera une ombre obscurcissante devant moi. Qui sait les dangers que je ne verrai pas ? En outre, je ne pourrai trouver l'or à l'intérieur, ni le distinguer d'un vulgaire caillou”.
Soudain il comprend et se dit : “Je sais maintenant ce que je vais faire. J'entrerai à l'intérieur de dos”. C'est ainsi que procéda notre bon chercheur d'or. Et à sa grande surprise, la bouche obscure s'éclairait au fur et à mesure qu'il pénétrait à l'intérieur, dos à lui-même. La lumière n'était plus derrière son dos. Sur ses cotés, au fur et à mesure qu'il avançait, les précieux murs de la grotte apparaissaient, jusqu'à ce qu'il parvînt au fond, là où reposait l'or.
La grotte du cœur sur la montagne de l'esprit est ainsi. Il existe deux sortes de méditation. L'une consiste à rechercher la grotte et l'autre à y entrer.
La majeur partie des méditations appartient au premier type. C'est comme chercher en étant parfaitement éclairé par la lumière du soleil aux alentours d'une montagne. On appelle cela la voie affirmative. On avance de face, toujours de face, éclairé par l'éclatante lumière d'Etre et le soleil des savoirs spirituels.
Mais voici que l'on découvre la grotte, là où la lumière du soleil n'entre pas. On ne voit pas ce qu'on a devant soi. Comment poursuivre alors ? Et voir ? Ici commence la via remotionis ou voie négative. On entre en soi, mais de dos, avec cette partie de ce que l'on est et qu'on ne voit jamais. Car la seule manière de voir c'est d'entrer de dos.
Et à notre grande surprise, on voit. Surgissent sur les cotés en s'éloignant au devant la totalité du corps-esprit-univers, la totalité du temps passé, futur et présent, tous les dieux et tous les cieux. On entre ainsi dans la profondeur en voyant au tréfonds de l'obscur, jusqu'à trouver l'or.
La voie affirmative nous assoit devant la grotte et nous demande de nous concentrer jusqu'à ce qu'elle s'illumine.
La grotte est notre propre dos, l'homo absconditus cordis, ce qui en nous est éternellement inconnu. La via remotionis ou voie négative nous invite à rentrer à l'intérieur, selon un mouvement qui rétrocède du connu vers l'inconnu. De sorte qu'en cette opération, le connu est face au connu, l'inconnu dos à l'inconnu. C'est pour cela que nous avons une face et un dos. un devant et un derrière. Devant nous, il y a toujours ce que nous ne sommes pas, ce qui est avec nous ; et dans notre dos, il y a toujours ce que nous sommes vraiment.
Si nous rétrocédons plus loin encore que la solaire sensation d'être, la connaissance d'être et la conscience d'être, toutes choses qui étaient absentes avant notre naissance, toutes choses qui n'étaient pas avec nous, toutes choses utiles pour découvrir la grotte mais que nous confondons avec la source, alors la sensation, la conscience et la connaissance restent devant, dehors, se perdant peu à peu à la vue, sans que cela enlève ou retranche quoique ce soit de qui nous sommes, du visage d'avant notre naissance qui est l'or véritable.
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