La Diablada, l'une des danses masquées les plus populaires de l'altiplano bolivien est bien davantage qu'une simple adaptation folklorique des farces catalanes nées au cours des XIème et XIIème siècles. Si les prêtres chrétiens voulurent en faire une sorte de catéchèse dansée à l'intention des indigènes, ceux-ci la détournèrent, la subvertirent pour perpétuer, en contexte inquisitorial et sous couvert d'un drame liturgique chrétien, l'adoration de leurs dieux andins ainsi que leur cosmovision. Les indigènes stylisèrent donc ce diable chrétien pour le faire correspondre au panthéon des dieux supprimés par la conquista et la mission catholique. Si la Diablada célèbre le dieu cornu andin, signalons que cette fête s'inscrit dans un calendrier sacré beaucoup plus vaste qui intègre également les cultes à la Terre Mère. Connue aussi dans les Andes sous le nom de Pachamama, elle est souvent adorée en Bolivie au travers de figures saintes chrétiennes, comme la Vierge Marie. Dans la danse, le rôle de "diable" est donc lui-même un masque, celui du dieu Supay, familièrement nommé aussi 'El Tío', dieu du monde souterrain où travaillent les mineurs d'Oruro. Crapauds, vipères, lézards, dragons, jaillissent entre ses cornes, ne suivant scrupuleusement l'imagerie chrétienne du diable que pour mieux révéler les symboles de la tradition indigène. Car comme le montre le nom des leaders andins de la résistance, Tupac Katari et Tupac Amaru, il n'y a aucune connotation négative dans tout ce symbolisme aux yeux d'un indigène. Katari aussi bien qu'Amari, signifient 'serpent'. Mais cette symbolique animale très ancienne joue, lors de la Diablada, sur un rapport d'ambiguïté et d'opposition à la compréhension chrétienne négative du dieu cornu ou du serpent. Ainsi, le serpent en zigzag utilisé dans l'iconographie textile, est un symbole de l'éclair, qui représente parfois le terrible dieu précolombien Illapa, transformé après la conquête en Tata Santiago. Ni ange, ni démon, Illapa est un dieu très important du panthéon. Quand arrivèrent les conquistadors espagnols, les Andes ne connaissaient aucun diable, aucun démon et les chrétiens eux-mêmes durent les créer. En revanche, tout comme les principes métaphysiques (déités) tibétains, les dieux andins ont un caractère ambivalent qui peut parfois se montrer menaçant. Ces aspects courroucés des déités ne sont en aucun cas des principes mauvais et négatifs. Supay n'est pas le roi des enfers chrétiens mais le gardien du monde souterrain (Ukhupacha) et de ses richesses, d'où ses éclatantes couleurs et sa brillance. Bien entendu, le détournement de la Diablada par les corporations secrètes de mineurs d'Oruro et les fraternités de lucifers ne passa pas toujours inaperçu. On commença alors à interdire les Diabladas, sans grand succès d'ailleurs.
Voir aussi : Notes ethnologiques sur la Diablada d'Oruro.
" N’oubliez pas le K’araku qui vous aidera dans la lutte économique actuelle contre la mondialisation, sinon, comme veut la tradition, une disgrâce arrivera. C’est ce que je fais immédiatement en louant son nom : Tío ".
1 commentaire:
lac du Ladakh:
http://www.lehladakh.net/tsomoriri.jpg
Grand rituel de Padmasambhava à Hemis (Ladakh):
http://www.transitionsabroad.com/listings/travel/travel_for_pleasure/images/borg12_dancing_deity_hemis_festival.jpg
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